Confession et aveu en pensée juive : le Talmud (tout) contre Foucault
Communication de Mme Noémie Issan-Benchimol, doctorante contractuelle à l’EPHE, PSL
au séminaire de Jean-Christophe Attias, le 27 novembre 2017, à 14 h., en Sorbonne, 17 rue de la Sorbonne, Paris Ve, Esc. E, 1er étage, salle D054
Résumé – Michel Foucault s’étonnait que dans la plupart des systèmes juridiques, « ce qu’on dit contre soi-même constitue une preuve ». L’aveu est en effet facilement extorqué, forcé, suggéré : il suffit de regarder les séries américaines comme « Making a Murderer » ou « The Confession Tapes », les recherches en psychologie judiciaire ou encore les récits de procès staliniens, pour s’en convaincre.
Clé de voûte de l’incrimination, clé de voûte perverse qui plus est, l’aveu exige la participation « libre » de l’accusé au pouvoir de punir qui s’exerce sur lui (pouvoir officiel en cas de punition judiciaire, pouvoir diffus en cas de punitions ou de sanctions sociales). Toutefois, l’aveu judiciaire tout autant que la confession laïcisée sur les réseaux sociaux, le dire-vrai sur soi-même plus généralement, gardent dans nos sociétés une force probante dont on peine à se débarrasser.
Dans le cadre d’une réflexion plus large sur les relations entre individu, pouvoir et sacré, nous proposons d’analyser le cas du droit hébraïque sur le sujet, contre-exemple et contre-histoire à cette universalité de la valeur de l’aveu.
Le droit hébraïque est en effet le seul système de droit dans lequel l’aveu de l’accusé n’a aucune valeur en droit pénal (dinei nefashot) et ne peut en aucun cas donner lieu à une inculpation passible de peines corporelles (prison, flagellation, mort). Ce n’est pas le cas du droit financier (dinei mamonot), où l’aveu du défendeur vaut « plus que cent témoins ».
Comment expliquer cette anomalie que constitue le rejet de ce que les autres systèmes de droit considèrent comme la « reine des preuves » ?
Nous proposerons une interprétation théologique, éthique et politique de ce vide à partir des sources textuelles hébraïques, des travaux de Michel Foucault et des historiens du droit.